Le soir est fait de glace antitendinite
comme un repos où la douleur s’effrite
Le jour naît tout de gestes mécaniques
et sans lutte, ni pause analgésique
À l’heure, use et tue le temps loué
où pour survivre il faut continuer
Le soir est fait de glace antitendinite
comme un repos où la douleur s’effrite
Le jour naît tout de gestes mécaniques
et sans lutte, ni pause analgésique
À l’heure, use et tue le temps loué
où pour survivre il faut continuer
Vil vieillissement de la vie servile
mouvement d’où l’heure dans un mur mûr meure
alors aile luit lente l’eau de l’oeil lourd
parcourant plage de peau par poid plume
et perdure l’impasse de l’impossible palpable
bras brisé en bazar bla bla bla de bric à brac
mais démembrer la démesure du mal démusclé
Comme les songes dissimulés
lorsque l’éveil distrait est à fuir
parsemé de temps troués
où s’accroît l’absence des souvenirs
Lourds il y a des jours balourds
et des jours, des jours et des jours mécaniques
où s’ennuient du soleil des os sans analgésiques
Alors il me pleut mon amour
et si froid tout autour oblique
Tout ce coffre, amour blessure
cœur capture et torse torture
Nous et, noeud de coutumes
arc-en-ciel embrumé de bitume
Trame en coutures invisibles
serrure enchantée invincible
Ne cherche plus ton ombre
s’il n’y a pas de lumière
Sur les troncs d’arbre
effort de vivre qui monte
chenilles affamées
***
L’humus du sous-bois
boit à l’ivresse des brouillards
art des feuilles mortes
N’entendez-vous pas ses paupières pierres ?
Sentez-vous s’effriter ses papilles calcaires ?
S’y oubliera même son cœur,
son Amour et ses bonheurs.
Efflorescence à ses-yeux de verres,
cristaux isocèles dégoulinants, amers.
Il se meut en larmes qu’angine effleure,
et son tambour, et ses honneurs.
Au silence, tous ses pas faits s’enterrent
en ce stable de sablier chassant y faire…
(Elle le touche, son Amour étrangère;
cet amour louche le douche, l’assèche
lui, disparaissant en ces caresses
comme s’effacent falaises à la mer.)
Entendez-vous ses paupières pierres ?
Sentez-vous s’effriter ses papilles calcaires ?
Percevez-vous l’homme s’effacer aux sens,
où dormir lentement s’installe pour seule défense ?
Je te lasserai de mes mots sans rupture
l’absence de nous déversant à perte
ce cuivre brut qui jamais ne sera le fil
ni le tuyau non plus le lien
à nos neurones isolées
Je te glisserai dans mes mots sans ratures
l’essence de nous répandant sans gain
ce plomb toxique scellant la tombe muette
et déconnectée de l’inclination
Et je resterai avec mes maux, sans armure
l’urgence de nous s’écoulant sans profit
autant que l’étain dissolut aux acides salés des émotions
Quatre heures. Non. Je ne dormais pas, puis je me suis levé pas pressé, mais je sentais qu’il ne fallait pas que je tarde.
À peine dix minutes en voiture plus tard, j’étais avec lui. Hier j’avais eu un léger ras-le-bol de Nana Mouskouri, sa chanteuse préférée entendu en boucle sur des heures lui procurant l’apaisement que les médicaments n’apportent plus. Alors je lui ai mis du jazz d’ambiance, musique qui accompagne le bonheur tranquille. Les préposées m’ont apporté du café avec leur élégante sensibilité, le leur, pas le sirop de machine puis elles se sont effacées par un délicat glissement de rideau.
Avec ma main sur son cœur posée délicatement et mes doigts bassistes grattant en chatouille, je lui ai parlé mécanique et du coffre d’outils tout neuf, rouge, qu’on lui donne parce qu’il y a un train en panne qui doit être à Toronto dans quatres heures. Des outils de mécanicien, de très gros et d’autres de précisions au millième. Je le lui ai décrit avec pleins de détails, ceux-là même que j’avais souvent entendu raconter fièrement par cet homme . Une belle récompense pour souligner le plus grand des troubleshooters du CNR de l’est du pays.
Je l’ai invité à rester calme et d’écouter le moteur, de prendre son temps. Sa respiration difficile tentait de suivre le jazz, je crois, et ma paume sur son torse en ressentait les efforts. Il y a deux jours, lors d’un bref éveil il m’avait réclamé une cigarette, lui qui ne fumait plus depuis de nombreuses années. Alors je lui ai dit, comme si j’étais son formen de ce temps là.
—Tu peux fumer une cigarette ti-Guy, commence par une bonne cigarette pis écoute. Vis avec les pistons. Trouve ce qui cloche avec cet engin. Son souffle lentement a ralenti et est devenu calme au rythme du jazz.
Après un petit moment, en maudit bon boss, j’ai voulu savoir s’il allait pouvoir réparer la locomotive. Ça, je le savais, il est le seul à pouvoir mettre le doigt dessus et faire en sorte que ça marche dans les délais parce que les chemins de fer sont les artères d’un pays.
Je lui ai dit d’en fumer une autre s’il le faut…
Et là, comme la musique en saccade d’un convoi qui s’éloigne, il est parti réparer des diesels pour l’éternité. Heure du départ 5:18
Nuits de rêves, trouées, mécaniques.
Oh! Mauvais songes sans magique.
On est toujours à l’ouest de quelqu’un
et le nord, le nord est toujours sans parfum.
C’est un matin de migraine et d’orage,
l’orient est une nuit de nimbus sauvages;
l’aube est alors d’un brun lourd sans image,
et l’hiver, l’hiver arrive encore, mais pourquoi ?
L’explosion d’émotions frêles à la neige aphone et folle,
s’étouffe comme des cris gercés, lancés en tempête hivernale;
et dans l’encombrement, mutisme cyclone, glacier systole,
craque le souffle sourd d’une austère blessure d’usure rafale.
Il y a de ces départs que l’on attend bavard,
et il y a ceux-là, qui nous inondent le regard,
pluies’qu’ils nous crèvent en silence les tympans,
offrant nos cœurs à nu dans un arrêt du temps.
L’explosion d’émotions frêles à la neige aphone et folle,
s’étouffe comme des cris gercés, lancés en tempête hivernale;
et dans l’encombrement, mutisme cyclone, glacier systole,
craque le souffle sourd d’une austère blessure d’usure rafale.
Habitude de ne plus être
Aller! Lève-toi et marche
traverse ces réveils de brumes
où se dissipe pâle l’opacité de l’œil trompé
par les eaux troubles de ton cœur, l’ennui
Avance dans l’aveuglement risqué des premiers pas de l’aube
où demeure diaphane l’impression des incendies de poitrines
S’estomperont peu,
mais peu à peu
ceux qui ont l’habitude de ne plus être là le jour
Plus triste que toutes les fenêtres aux jours de pluie,
l’orme par songes rongé à fondre l’âme
sait faire bruire l’envol des flammes compagnes
comme un arbre débité en cendres et salement dépaysé,
plus triste que toutes les fenêtres ouvertes aux jours de suie.
Plus triste que toutes les fenêtres aux jours de pluie,
plus aigri que le cri du supplice d’un geyser gelé.
Oui ! Plus aigri que le cri du supplice d’un geyser gelé,
morose comme le tourment éduqué des amours mortes.
Oui, plus triste que toutes les fenêtres éteintes aux jours
de nuit.
Plus triste que toutes les fenêtres aux jours de pluie,
somnambule plus loin qu’un souffle dernier
mon pied en boîte comme un crâne en bière
n’ira souffrir parmi les effleurements d’air tel le pollen
libéré,
tellement plus triste que toutes les fenêtres fermées aux
jours de pluie.
L’âge à l’usure rage
nous manque
nous et nous
Quel vrai est réel où l’amour longe
corps cuillères que draps épongent
Quelles rivières abreuvent les tavernes
d’intarissables silences de caverne
desquels gueule avinée range et coeur rebel ronge
pour éponger d’usités songes que mouillent mensonges
Accusons la douceur des nuages
pour ces liens élimés par routinâge
et ces déversés fantômes où nagent
des bibelots de marbre bien scages
Quel vrai était réel où l’amour longeait
corps cuillères que draps épongaient
Nous nous manque âge nous manque noués nous
Plaine,
grande plaine essoufflée d’où tout est flou
Blessée,
lacée bien glacée où tout bout,
croûte boursouflée enfer fourre-tout pour souffler
Veines vaines vannées avinées … À bout tabou!
Plaine, pleine d’amour
grande plaine d’horizon lourd et flour
Plage,
grande plage à souffle court d’où soûl s’échoue
Laissée,
lassée bien blessée à bout de souffre
souffle coupé à courtiser l’ajouré des gouffres
Plage pleine, page ensablée … À bout d’atout!
Plage, plagier le sable à la faim des jours
grande scène sanguine, oh angine d’amour!
Tel ce sommeil né de l’autre,
sans épaule, ni étêté, apôtre.
Tels ces éveils nés des autres,
sans rôle, ni réalité, pas de porte.
Au nom d’idéal cruel, si jeune mourir
pour qu’éternellement de vierges jouir.
Alors qu’ici l’on vieillit économiquement,
mais qui souhaite périr éternellement?
Damnation! Quelle voûte est inventée?
Ciel! Quelle Terre est irréelle?
L’ailleurs, l’aïeule et l’âme émue
Oui beau, un banc blanc bancal
aussi assise dessus une être spectrale
Une fantôme floue farfouillant
une foule d’enfants en fanfare
pour eux, bavard le temps
n’existe que maintenant
pour toujours et sans retard
Mais elle, longtemps attendant tant
la fin de l’éternité sur ce siège lactescent
Où là l’heure à gueule de flammes ténues
Note 82
Par hasard
tes ongles laqués
ondent sur ma peau
moi torture rigide
dans une carapace
bibelot de granite
à retracer l’oubli
Comme mots incendiés, comme femmes amoureuses
s’enroulent aux horloges infertiles, leurrées
tout en silence et d’alarmes entre nos îles noyées
comme s’envolent les automnes et les mots incendiés
Et de pluies en saisons déversant soirs aux pourpres passions,
l’ironie, farouche faucheuse, hache en tempêtes des souvenirs
et ça frappe du triste aux arbres effeuillés qui affrontent à souffrir
et les quotidiens fondus en fleuves enflammés et les pluies en saisons
Comme mots incendiés, comme femmes amoureuses
s’enroulent aux horloges infertiles, leurrées
tout en silence et d’alarmes entre nos îles noyées
comme s’envolent les automnes et les mots incendiés
Je suis l’écrit qui s’attarde aux librairies fantômes en diseuses
je trie à taire des fleurs et j’ai peur des heurts oubliés,
je me punis de flammes et de leur flemme indomptée
je me consume et me tourmente, oh âmes d’ombres frauduleuses
Comme mots incendiés, comme femmes amoureuses
s’enroulent aux horloges infertiles, leurrées
tout en silence et d’alarmes entre nos îles noyées
comme s’envolent les automnes et les mots incendiés
Couchée au cou une joue
S’effrite le réel !
Se mouillent
Maniées sous les mains
Effleurées de gestes,
Folles les chairs errent à l’oubli de l’air
Sous la grisante résonance d’être près
Il était une fois des feux
des feux qui étaient fabuleux
des feux allumés dans la peau
à envoûter comme des démons fous
des feux de braises dans la peau
ma peau sublimée sous tes yeux
tes yeux qui étaient fabuleux
D’autrefois je revois tes yeux
tes yeux qui sont magiques
tes yeux à voir sous les peaux
à déshabiller les âmes de leur sort
tes yeux doux à une vieille peau
ma peau de vache vêtue de briques
sans tes yeux qui sont magiques
En cette nuit près du sapin qu’embaume de bonheur
un parfum de forêt et de lutins où les petites lumières de couleur
s’invitent au gradin des odeurs car les amants se voient se voient
et se voient pour la première fois alors ces corps ont encore un intérieur
Sous les peaux ensorcelées par nos jeux
des jeux qui jouxtaient moelleux
des jeux à nommer toutes nos peaux
surfaces comme des endroits fous
où tes yeux de délinquante âme à peau
enserrent mes peaux en étau de frissonneux
mes peaux ensorcelées par tes jeux
En cette nuit près du sapin qu’embaume de bonheur
un parfum de forêt et de lutins où de petites lumières de couleur
s’invitent au gradin des odeurs car les amants se voient et se voient
et se voient pour la première fois alors ces corps ont encore un intérieur
Ma peau enchantée en bottes de sept lieues
ces lieux qui sont magnifiques
tes lieux à migrer hors la peau
à inventer le rire rauque des avalés
tes lieux où nos cœurs à fleur de peau
nos peaux friables à fièvre tellurique
petites peaux enchantées par ces lieues
En cette nuit près du sapin qu’embaume de bonheur
un parfum de forêt et de lutins où de petites lumières de couleur
s’invitent au gradin des odeurs car les amants se voient et se voient
et se voient pour la première fois alors ces corps ont encore un intérieur
(Duo de sax !)
Quelques fois je recevrai tes yeux
tes yeux qui seront merveilleux
tes yeux iront tomber sur ma peau
à surfer comme des doigts jaloux
tes yeux à liquéfier ma peau
ma peau d’oripeaux de vieux
et tes yeux me feront merveilleux
L’orage à venir avilissait l’horizon tranquille
décomposé aux sept pioches des heurts de peine
ampoules aux paumes de l’ombre burinée
où s’enserrait, sombre, l’alarme à toute vapeur
Images immatriculées de morsures
sans graphies ni chiffres et ni griffes
perdu le par cœur pendule à la poitrine
sans mémoire, l’émotion toute menue mine
Caverne à crocs prismes et rites où s’effrite enlisé l’os
prisonnier des calcaires envoutés et liquides
comme mon amour dépôt possédé sous l’obscur
tel un fleuve froid et flou par les fleurs effrayé
Madame Marlyse est timide, oh que oui !
Mais c’est une reine telle la lune la nuit,
qui parlant du Soleil, l’éclairage de sa vie,
se sait invisible vue de la Terre sans lui.
Elle partage l’heure juste aux paysages nocturnes,
chatoyante gentillesse au cœur de l’ébène de mes jours,
alors mes tourments trous noirs ne m’attractent plus.
Elle est voie lactée constellée d’amitié et d’humour.
Mon amie Marlou est aérolithe libre.
Voyageuse, elle s’en ira, c’est sa fibre,
et comme une satellite sensible,
même loin, existera toujours accessible.
Les tsi-zoo-tsy, qui sont-ils ?
La scie est frileuse comme une soupe au lait.
Elle découpe les cheveux en quatre, mais
pas les siens. C’est une tsi-zoo-tsy.
A-t-on déjà vu la tête d’une scie ?
Cette sciotte a d’autres étêtées dans sa famille,
l’égoïste égoïne est une lame détestable,
nourrie par des chairs de doigts coupables.
Même les autos ivres et les avions terrifiés
les tsi-zoo-tsy, qui sont-ils ?
Avant… n’étaient qu’outils utiles.
Cette boîte en tôle contient d’autres instruments écervelés,
comme la pince éperdue à manche gantée
qui en pince pour l’étourdi tournevis aimanté.
A-t-on déjà vu le cerveau du tournevis?
Il y a aussi la face dure du marteau brutal
ainsi que le crâne plat du clou banal,
tous des tsi-zoo-tsy.
Même les autos ivres et les avions terrifiés
les tsi-zoo-tsy, qui sont-ils ?
Avant… n’étaient qu’outils utiles.
Ils sont paisibles, disponibles comme des amis,
parfois entre certaines mains, ces bébelles
d’innocentes se transforment en armes cruelles.
Même les autos ivres et les avions terrifiés
les tsi-zoo-tsy, qui sont-ils ?
Avant… n’étaient qu’outils utiles.
Pluies que le quotidien (poèmes)
Poète de la concrétude, Richard Monette travaille beaucoup sur les sonorités, les mots valises, les paronymies, les calembours. Il cultive aussi, avec un bonheur assez pétaradant, les collisions sémantiques aléatoires, rappelant dadaïsme et surréalisme, mais sans s’y réduire ou s’y restreindre. Le poète produit des textes courts, percussifs, dans lesquels il fait fonctionner en harmonie à la fois le joual le plus cru et le français acrolectal le plus éthéré. Le résultat est fluide, relevé, fendant, pétant, jouissif.
On retrouve aujourd‘hui un poète ample, large, accompli, investi dans l’idiome qu’il habite tant, et dont il est un des nordets qui frémit. Rien ne menace la très idiosyncrasique perspective d’écriture de ce rutilant protagoniste. Il peut donc désormais se permettre de varier les instrumentations.
Il y a un sonnet dans le présent recueil. C’est juste assez pour insidieusement nous instiller le sentiment que Richard Monette pourrait tout à fait investir et subvertir ce gabarit renaissance en nous fournissant… pan dans les flancs… un recueil futur de sonnets. Après ,Mais … (2011) et Perle-Mêle (2014), Richard Monette nous propose Pluies’que le quotidien, un recueil qui réunit cinq années de scribouillages où les textes sont triés par ordre alphabétique de titre, un classement qui vaut un autre et qui, surtout, vise à atténuer l’émotion brute qui se dissimule sous chacun de ces textes dont certains confinent au sublime (lire : L’incommunicabilité des déserts).
Ce matin, 3 heures, c’est la nuit et on se les gèle pas rien qu’un peu. Il y avait un chaton oublié.
Je n’ai pas arrêté ni même ralenti, qu’une brève hésitation, bien que seul sur la 10, mais quand même à 100 km/heure ce si petit chat perdu ne fut visible que trop tard dans le faisceau des phares. J’avais franchi le point de non retour roulant sur la glace noire, traître piège pour l’inconscient qui freine la nuit. Et j’ai repensé à ce vieux poème écrit il y environ 25 ans intitulé « Jules, le mine oublié ». Rien n’a changé. On abandonne encore les animaux de nos jours pis je ne suis pas plus confortable avec ça. Pour le reste du trajet me conduisant au travail ce n’est que sans l’entendre que j’écoutais les chansons de l’album « Magical mystery tour » nouvellement remixé et numérisé.
Dédramatisant à rompre les ordinaires, mes yeux que j’essayais d’empêcher de gonfler sont restés fixés au rétroviseur une éternité. Alors c’était devenu inévitable, par une étrange acuité visuelle j’ai remarqué que l’autobus jaune des Beatles qui rôdait sur l’autoroute des Cantons de l’Est, me suivait maintenant de loin, de plus en plus loin. Je venais tout juste de le dépasser tant il roulait lentement dans cette nuit glaciale de janvier sous le regard amusé d’un quartier de lune de bande dessinée.
Malgré la fumée au parfum d’herbes paisibles, les voyageurs ont du apercevoir la pauvre petite bête apeurée et grelottante sur l’accotement de la route. Les passagers bien qu’en cavale ont alors décidé de se dégourdir un peu les jambes le long du fossé gelé, le temps de pisser un bon coup. La porte de l’autocar étant restée béante pour changer l’air, le minet mêlant prudence et témérité s’est inséré au chaleureux nuage. Il y prit légèrement ses aises flottant dans l’habitacle imperceptiblement. Alice, semble-t-il, l’aurait aperçu sous la forme d’un sourire imitant l’astre des nuits. Elle a aussi laissé entendre que John aurait volontairement été lent dans l’exécution de son besoin d’écouler quelques surplus pesants. Sans intervenir directement il permettait ainsi au craintif félin d’apprivoiser les étranges odeurs du véhicule et de se confondre au rêve, d’être absorbé par ce moelleux sauvetage.
Moi, c’est ce que je crois concernant le jeune fauve abandonné. J’aime mieux ça que d’imaginer le minou tel une tache au pare-choc ou au pneu avant du véhicule d’un autre tôt levé lancé à vive allure sous les étoiles d’un chemin de grisaille, blanchâtre et de givre salé. Les ti-mines ne sont pas fait pour ça. Ils ne devraient jamais nourrir les corneilles au petit jour sur les rebords des rubans routiers.
Cet hiver est moche, je le sais depuis ce matin.
Avec son visage marqué de jours maigres
où se lit dans ses rides déroutes profondes
l’aïeule à face de tics étirés
tremble silencieuse, seule au bout de son chemin
n’en finissant plus de ne plus vivre
Sa mémoire hiver est de dormance ennemie
aux murs garnis de bagages hermétiques
où les pense-bêtes
sont des alarmes pour ne pas partir trop vite
comme des armes à travestir la vie sans suite
Lentement l’aïeule oublie qu’elle attend demain sans lendemain.
Avant le réveil. Juste avant ce matin.
Ça grouille de grillons grivois,
mais comment taire ce tumultueux tintamarre ?
Heureusement, une cloche cogne à la cloporte.
Un rat, qu’étouffe une vieille cravate, emporte
une bibliothèque de sa main sur son cœur.
Il est escorté d’une insecte plus svelte et séduisante.
Ce fourmillement me fait souffrir
un peu au-dessus de l’appendice buccal.
J’écraserais bien l’un pour me nourrir de l’autre.
Trop endormie pêle-mêle dans le verbe
je ne sais par lequel commencer ?
Je bouge ma carapace poursuivant le sommeil fugitif.
Je m’enfonce dans ce retournement tout en croyant
fermement, mais sincèrement : Qui dort dîne.
En ce 14 juillet 2016
L’orme a des larmes à l’aube
que le soleil seul s’amuse à sécher
L’ombre de l’arbre est sans racine
et glisse le jour pour fuir les nuits
L’arme est un homme pauvre
et les astres d’or savent s’en amuser
L’âme est tombée en larmes sous les armes ténébreuses
L’ombre fond au sombre et s’abîme
effacée par les tonnerres des alarmes et des cris
L’orme a des ombres de crépuscule armées
par ces dieux d’éclairs qui s’amusent à les oublier
À l’aide ! s’écrit-elle à la face du livre.
Lui :
Sans fuir comme des pétales affolés, dit-il.
Elle :
Oui, arracher des proses éprises de règles
avec des mains négligées et désobéissantes,
Lui :
puis abreuver en colère désordre et désert,
ioniser les roses en poussière de cuir esseulée.
Elle :
Nous voilà nu sur une plage planche
provoquant l’horizon en mœurs amers. Dors-tu?
Lui :
Parfois, mais non quelques fois. Épuisé,
je ne sais pas crier dans ta voie nos roses,
Elle :
les roses ions à fioles défoliées.
Feras-tu le four,
les fenêtres et les feuilles ce jour?
Lui :
Oui. Les roses, ions dénoués,
effleurées par le tant,
le temps qui presse tant.
Tu tétanises l’univers humain, ubiquiste minuscule fantôme
dans l’ombre des états providence par où se dépense les aumônes
Par l’isolation sanitaire asservit aux justifications paranoïaques
tu estompes les sourires agnostiques qui ahanent sans joues sans joie
linéaire, la logique psychologique de la peur vêt le masque
sans l’euphorie furieuse des phares affrontant l’aloi des lois
Ton monde d’alignés est d’illusions grisailles écrous
sans nez ni toux, tout tourne vautour de toi sans roue
l’obsolescence du discernement hante les cendres d’achats
et dans les chèques tu auras gagné que tu nous tue ou pas
Ah! L’égrenage des jours gangrène
d’où s’enfuit fascinante fleur frêle
sans filtre ni falaise et sans fou
Est-ce…
L’insensé ascenseur dans une impasse
semblable à une impassible passoire
… saut…
Oh! Mélange de monts à l’amer mouillés
quels réels à quitter les quais équerres
pour se jeter aux ondes sourdes des sons de rondes
… esse
On y voit noir et bouteille à la mer
Quelqu’un a retourné le sablier oublié
Les sables du désir enrobent des doigts patients
des mains divaguent alors sur des ondes à peau humaine
l’épaule ondoyante aborde une épaule en des marées veines
douce houleur où roucoule l’étang vers l’autre céans
Comme ces pendules ne pouvant pourrir aux plages intimes
des yeux ont des silences ardents qui hurlent maritimes
et des côtes s’attirent tellurique en tremblement de terre
causant tsunamis invisibles noyant les horloges austères
De l’origine l’épaule rouille l’horizon
L’évolution
De poussières et d’eau sortant ses pas du désert
égoïste et sans scrupule
Par la naissance des villes,
l’humain de glaces
à cœur caverne
à corps gratte-ciel
à cancer de racines en cimes
Et des organisations sociales,
recréant (peureux) son environnement
d’idées fières, mais fiévreuses
dans l’abondance meurtrière d’ornières sécurisantes
jusqu’à ses enfants calfeutrés
dans l’ignorance maladive de la santé
C’est son ère sans air
et sa terre à gale d’asphalte
hait le monde vivant,
est sans avenir
ses rivières décadentes nervures acides
À la mer l’homme mouille la mort
Ô matrice du monde écologique
Omni-matière de toute flore, de toute faune
espaces peuplés d’espèces
L’eau danse d’existences
riche de circulations et d’échanges
Mère nourrice qui abrite et abreuve
eau de vie, de veine et de sève
Cours qui façonnent la terre
L’eau douce, essentielle
semée en harmonie lacustre
L’eau nature morte sous l’acide des pluies
Les appels rechutent subtilement au front de nos absences
des baisers se déversent certainement en faisceaux de faïence
et dans ces alluvions s’engouffrent appauvris tous les pas de nos vies
où les vœux s’amenuisent sans mutilations entre le mutisme et l’amnésie
Un prétexte s’attarde doucement derrière la flemme des oubliés
La peur s’évanouit dans la gorge du vent que l’arbre affronte effeuillé
l’amant se réfugie alors maladroitement derrière des regards indomptés
Le secret resplendit à la longue au revers d’une extravagance
En rage automobile se décompose à la pointe de mon crayon l’humanité
un frôlement entre le rouge et l’écarlate paisible et brûlante est la solution
derrière les aiguilles d’une montre peut aussi s’apprendre l’inhumanité
ainsi l’on tisse des désirs fantômes alors que s’effrite sciemment l’inspiration
On joue au train des beaux voyages
Le tour de la table comme paysage
On chasse l’ennui du quotidien
On fait tourner notre chagrin
Un train qui siffle et qui recule
Un nain qu’on retient de la main
Un train d’enfant, un train électrique
Qui n’est ni triste ni comique
Un train qui roule sa vitesse
Une voie d’enfer en rond fermé
Destin tracé de plaisirs usés
Où ses roues grincent de froide vieillesse
*(refrain)
Je rêve, mais je ne comprends pas,
Qui de nous deux est saoul,
Qui de nous deux est fou…
Et puis l’on joue dans la fumée
Dans l’air terni du routinier
Roulant l’avenir en souvenirs
Y étouffant tous nos soupirs
Des yeux rougis dans l’illusion
Des yeux fermés pour se mentir
Des yeux fixant un train errant
Qui se fascinent aveuglément
Captifs de songes organisés
Magie de cendre et de détresse
Éclats de rire sans allégresse
Cinéma vague pour yeux blasés
Je rêve, mais je ne comprends pas,
Qui de nous deux est saoul,
Qui de nous deux est fou…
On joue aux rêves de nos beaux jours
Sur une scène sans calembours
On trahit l’auteur du désespoir
On est l’acteur d’un cercle noir
Un être criant l’angoisse de vivre
Un homme soumis à son histoire
Être déroulant sa pollution
Sur les carrefours des conventions
Être suant son combustible
À s’appauvrir dans son enclos
Lieu de tourment, usine sans repos
** Ô mort pays possible !…
…rêve, mais je ne comprends pas,
Qui de nous deux est fou
Qui de nous deux est saoul…
*Le refrain est de Daniel Ducharme
**Vers tiré du poème “ Petite suite en laisse” de Gaston Miron